Le lancement du site d'information payant (et très cher) Mediapart par Edwy Plenel suscite un débat interessant dans la blogosphère. Edwy Plenel fait partie
de ces monstres sacrés du journalisme qui ont découvert le Net sur le tard. Il place la barre à la hauteur des 4 millions d'euros qu'il compte investir dans l'opération, en déclarant avoir
comme objectif de «reconquérir un continent que nous avions un peu laissé en friche: l'internet» (joke: il a dit "l'information").
Pour Emmanuel Parody (ZD Net, ex Les Echos) d'ecosphère , "l'approche de l’équipe de Mediapart est
la bonne". Je vous cite quelques extraits.
Le choix du payant ne relève pas de la valeur marchande de l’information mais d’une adhésion morale à un projet éditorial (...)
(...)l’information généraliste aux prises avec un univers concurrentiel si vaste que leur survie ne peut passer que par l’audience de masse et l’attaque frontale face aux portails. Ajoutons les
CPM trop faibles en France et la perspective d’une rentabilité par la seule publicité est illusoire. Pire, elle serait nécessairement compromettante. Pour cette raison je ne soutiens pas le
modèle du tout gratuit pour l’info généraliste et je pense que l'initiative du New York Times (ndlc: qui a abandonné le modèle payant) est une erreur (je ne suis pas non plus pour le tout payant mais c’est une autre histoire). Comment dans ce cas, justifier le payant dans un univers de gratuité? C’est là que
l’initiative de Mediapart rejoint celle d’Arrêt sur Images, en fondant l’acte d’abonnement sur un acte d’adhésion et de participation. Comprenez en se déconnectant d’un acte d’achat.
(...)Pour ces raisons je pense que l’approche de l’équipe de Mediapart est la bonne. Il n’y a aucune garantie de succès. Je fais aussi le pari in fine d’un modèle mixte pub-abonnement mais il me
paraît important, pour un projet aussi ambitieux de fixer dès le départ la barre très haut. Non par le prix mais par l’affirmation d’une ambition morale, aussi arrogante soit-elle. D’ailleurs,
sur le fond, je ne pense pas qu’il puisse y avoir de grand media sans un projet politique.
Un argument qui va dans le sens d'Emmanuel Parody, c'est la présence dans l'équipe de Plenel de Benoit Thieulin, l'animateur de la campagne Internet de Ségolène Royal, et le soutien de blogs du réseau désirs d'avenir.
Vous pouvez lire si vous avez le temps le très long post de Thieulin qui compare un peu curieusement ce projet
avec le fameux réseau OhMyNews coréen, qui lui est gratuit. Emmanuel a bien raison de rapprocher ce projet d'Arrêt sur images: il y a une nouvelle mode à gauche, la création de clubs réservés
aux abonnés ... pour rester entre soi?
J'avoue que je ne suis pas convaincu par cette approche. Je partage plutôt le point de vue de Versac qui écrit:
Un site d'info participative, donc, mais en mode payant, et qui veut "réinventer le journalisme". Il y a de quoi être intéressé, à tout le moins. Et dubitatif,
aussi, à l'heure où l'ensemble des sites d'info généralistes abandonnent le modèle payant pour passer au gratuit (NYT, WSJ, LEs Echos sans doute bientôt...).
(...)Evidemment, il y aura des "amis", au début. Combien seront-ils ?
(...)Pourquoi les sites d'info abandonnent-ils le payant ? Parce que l'essentiel, sur le net, est de s'inclure dans le réseau, d'intégrer les moteurs de recherche, d'être référencé, de participer
à l'économie de l'information au sens large. Si vous êtes payant, derrière un mur, vous n'existez plus, dans l'internet. L'internet, ce sont les liens. Le payant les supprime, il exclut.
C'est là l'argument fondamental: l'essentiel, sur le net, est de s'inclure dans le réseau.
Hors du réseau, point de salut. Pour moi, l'avenir des sites d'information n'est pas d'être des clubs privés réservé aux happy few. Internet est une opportunité dont ils ne devraient pas
avoir peur, parce qu'il leur est possible de développer massivement leur audience, et d'évoluer vers le multimedia, avec la participation active de la communauté des lecteurs, y compris dans la
production de contenus.
Mais pour cela, il leur faut comprendre intimement le fonctionnement d'Internet et adopter ses règles.