Olivier Dahan remet ça contre Wikio, après avoir perdu son premier référé.
Derrière le réalisateur de La Môme se trouve l'avocat qui a fait condamner Fuzz en référé pour le compte d'Olivier Martinez. L'affaire devrait sans doute aller en appel, mais Fuzz a été fermé par
son créateur Eric Dupin, choqué et dégoûté par l'injustice.
Pas même une mise en demeure
Cet Avocat, Emmanuel Asmar, a envoyé directement une assignation en justice à Wikio. Il porte plainte sans mise en demeure préalable. Cela me semble contraire à l'esprit, et à la lettre de la loi
n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Asmar n’a pas craint d’annoncer en public qu’il comptait assigner une longue liste de sites web pour des affaires
liées à la distribution d'informations concernant la vie privée de ses clients.
Dans tous les pays où Wikio est présent (France, Espagne, Italie, Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis), les demandes de retrait de liens vers des articles jugés litigieux sont courantes, et
ces articles sont immédiatement retirés, comme la loi en fait obligation.
Il n'y a qu'un seul plaideur dans le monde qui ait attaqué Wikio avant même de réclamer le retrait d'un contenu: Olivier Dahan. Son avocat, Emmanuel Asmar, a par ailleurs conseillé un autre
client, Olivier Martinez, qui a procédé de la même manière dans des affaires récentes l'opposant à d'autres sites, s'efforçant d'exploiter les imprécisions de la loi pour obtenir des indemnités.
Voila donc qu'il réclame 30.000 euros à Wikio pour avoir donné accès à un article de Gala.fr concernant une liaison supposée entre Olivier Dahan et une jolie actrice, liaison qu'a démentie Dahan.
Mais que cherche Olivier Dahan dans cette affaire ??
--> Le texte intégral de l'assignation est publié sur le blog de Wikio.
Il faut une nouvelle loi plus adaptée
La loi LCEN censée protéger les hébergeurs - qui mettent à disposition des prestations techniques sans gérer le contenu, contrairement aux éditeurs - n'a pas été appliquée par la justice lors des
affaires récentes (Fuzz, et d'autres) au motif que la loi sur la protection de la vie privée prime.
Hier, deux députés, Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre) et Corinne Erhel (PS), ont présenté un rapport sur l'application de la loi
LCEN dans lequel ils préconisent une clarification de la loi. Jean Dionis du Séjour déclare dans une interview à 20 minutes qu' il faut une loi pour le Web 2.0. L'interview est intéressante, le député a manifestement compris
l'inanité du jugement contre Fuzz.
De son côté, Eric Besson, secrétaire d'Etat au développement de l'Economie numérique, annonce des Assises du numérique fin mai, mais dément qu'une modification de la loi soit dans les tuyaux.
Une clarification de la loi me semble indispensable, pour garantir la liberté des bloggeurs, celle des plateformes de publication collective, et celle des agrégateurs et moteurs de recherche.
Liberté des bloggeurs
Un bloggeur est responsable de ce qu'il écrit. S'il porte atteinte à la vie privée de quelqu'un, il peut évidemment être poursuivi. En revanche, il ne doit pas être tenu pour responsable des
commentaires laissés par les internautes sur son blog, sauf dans le cas où il applique une modération préalable. Et il doit enlever les messages et les commentaires litigieux.
Aujourd'hui une grande confusion et une certaine inquiétude règnent dans la blogosphère, il serait bien utile que la loi soit précisée sur ce point.
Liberté des plateformes de publication collective
L'internaute est le seul responsable de son acte lorsqu'il publie une info (texte, lien, photo, vidéo) sur un site comme Digg, Fuzz, Dailymotion ou Wikio (Wikio est un portail d'info qui propose
plusieurs services, dont une plateforme de publication collective, mais ce n'est pas l'objet du procès qui nous est intenté).
Ces plateformes hébergent ce contenu, elles ne sont en aucun cas des éditeurs puisque le contenu n'est ni trié ni traité à la main, mais par des algorithmes.
Fuzz n'aurait pas dû être condamné. Soit la loi a été mal appliquée par le juge (qui a considéré Fuzz comme un éditeur responsable des contenus et non un hébergeur), soit la loi est vraiment mal
faite et il faut l'améliorer.
Liberté des agrégateurs et des moteurs de recherche
La diffusion d'information est facilitée par les récentes technologies du Web 2.0, notamment les flux RSS. Wikio utilise cette technologie pour indexer automatiquement 4 millions d'articles par
mois provenant de plusieurs centaines de milliers de sites (médias et blogs). Cet index, constitué de liens vers les articles et de résumés.
Wikio propose un moteur de recherche, comme Google ou Yahoo !, mais spécialisé dans l’actu. Comme Google ou Yahoo !, Wikio a vocation à indexer tout ce que publient les sites présents dans
l'index. Automatiquement. Et lorsqu'un utilisateur fait une recherche, c'est un algorithme de recherche sémantique qui calcule les pages de résultats, il n'y a pas d'intervention humaine, au sens
"éditoriale".
On comprend bien pourquoi l'affaire est grave : si Olivier Dahan gagnait son procès, ce serait la porte ouverte à la multiplication des procédures. N'importe qui pourrait alors
réclamer des dommages et intérêts pour la présence dans l'index d'un lien vers un article ou un autre jugé litigieux.
Comme il n'est pas possible de valider à la main le contenu des quantités astronomiques d'articles indexés (voir ici les articles qui arrivent en temps réel
dans l'index de Wikio), l’existence de Wikio, des services d’agrégation et des moteurs de recherche serait potentiellement mise en cause.
Soyons bien clairs, il ne s'agit pas ici du procès des rumeurs trop souvent publiées sans vérification par certains sites Internet, une pratique qu’on ne peut que condamner.
Le moteur de recherche indexe, les responsables des contenus sont les éditeurs des sites indexés.
Est-ce que cette évidence va parvenir à se faire jour avant que les procédures judiciaires aient fait trop de dégâts dans l’Internet français ? Est-ce que le juge va comprendre l'enjeu ?
Aujourd'hui, je suis très inquiet. Inquiet de l'agressivité de certaines personnalités ou de leurs avocats, de l'incompréhension de la justice démontrée par les récents jugements, et du flou
apparent des lois applicables…
Combien d'énergie et d'honoraires d'avocats est-ce que Wikio va devoir dépenser pour se défendre ?
Et cette loi, est-ce que les députés vont la préciser pour sortir de cette situation ubuesque ?
Il s'agit de la survie des moteurs de recherche.