(J'ai proposé à Catherine Nivez d'Europe1 de publier son point de vue sur Blogs et Medias dans Kelblog. Catherine est une journaliste bien connue des bloggeurs puisqu'elle réalise tous les matins sur Europe1 le Journal des Blogs, une émission qui est une vraie mine d'informations, malheureusement diffusée très très tôt, à 6h47...)
Quand Pierre m’a proposée de poster sur son blog, je me suis demandée ce que cette invitation pouvait signifier pour un bloggeur. Dans les medias traditionnels, toutes les publications sont collectives. En radio, en télé, en presse, nous sommes toujours plusieurs dizaines de journalistes à réaliser un seul journal. Or un blog est personnel.
Alors pourquoi partager son blog ? Quelle est la règle du jeu dans la blogosphère ?
Y a t-il un « nous » ? Une convention collective ?
Je repense à ce qu’à dit le talentueux Thomas L. Friedman* et à sa théorie des 3 périodes de l’histoire moderne de l’humanité.
Pour lui, il y a d’abord eu la mondialisation des états (1492 – 1800), ou les conquêtes étaient géographiques et politiques, puis la mondialisation des sociétés (1800 – 2000), où la conquête était celle du chiffre d’affaires et des parts de marché. Depuis l’an 2000, nous sommes entrés dit-il, dans la 3° période : celle de la mondialisation des individus.
La nouvelle frontière n’est plus géographique ou économique, elle est devenue individuelle.
Avec internet et avec les blogs, l’information passe donc du collectif –les medias professionnels- aux règles du « je », des blogs personnels…
Sur les blogs, toute la question n’est pas de savoir ce qui s’est passé (les faits), mais de savoir qui pense quoi ? comme qui ? L’information sur internet perd sa valeur initiale, les faits sont une donnée de base accessible partout et gratuitement.
Alors où est la valeur de l’information sur le web ?
Dans ce qu’elle suscite, dans les débats, les commentaires, qui sont particulièrement nombreux dans la blogosphère. Avec les blogs, ce n’est plus le scoop –qui a encore de beaux jours devant lui- qui compte mais le regard que l’on y jette. La base relationnelle n’est plus la réglementation (les états) ni la transaction (l’entreprise) mais le partage de valeurs. **
C’est le retour spectaculaire des réseaux et des communautés.
Est-ce que tu penses comme moi ? Est-ce que nous partageons les mêmes valeurs ?
Je partage celles de Pierre, visibles sur ce blog autour de l’entreprenariat, et du web 2.0.
Et je partage quotidiennement celle des medias traditionnels.
Nos vieux medias sont en plein bouleversement. Pour survivre à cette révolution numérique, et à la révolution de l’information, ils doivent changer en profondeur leurs règles du jeu. Vers plus d’ouverture, de partage. Les récentes annonces en France, notamment dans le groupe Lagardère, vont dans ce sens.
Parallèlement, il me semble que les blogs vont devoir se « professionnaliser », en s’interrogeant sur la valeur du message qu’ils diffusent, sur leur responsabilité et leur éthique dans l’échange.
Aujourd’hui, les blogs apportent aux médias traditionnels de nouvelles règles du je(u).
Je suis une journaliste traditionnelle qui s’ouvre au blogging et à la « voie du retour ».
Anciens et nouveaux medias…. Nous avons tout à gagner l’un de l’autre.
Merci Pierre pour ton invitation.
Catherine Nivez
* Dans « The world is flat » Ed Farrar, Straus and Giroux / New York –non traduit en français-. Friedman est journaliste au The New York Times, lauréat à 3 reprises du prix Pulitzer.
** Idée largement développée dans « La société civile, le 3° pouvoir » changer la face de la mondialisation » de Nicanor Perlas. Ed. Yves Michel