..........................................J'en ai rêvé pendant si longtemps ... et voila que nous l'avons réalisé! L'escalade de la voie du Nose d'El Capitan au Yosemite, certainement la plus connue des très grandes voies d'escalade du Monde.
Je viens de rentrer des US, j'en suis encore à essayer de retrouver mes esprits et il ne s'agit pas que du décalage horaire. Je suis sur un petit nuage. Je me demande si cette expérience hors-normes m'a changé, et ce qu'elle a changé. Il va me falloir un peu de temps pour revenir sur terre... Pour vous faire partager cette aventure, je vais m'efforcer de monter les quelques bouts de video que j'ai ramené. En attendant voici un premier aperçu.
Cette escalade, je l'ai vécue avec Thomas Grenier, ou grâce à lui plutôt, puisque c'est lui qui a grimpé en tête de bout en bout. Thomas est un fort grimpeur qui a tout juste 28 ans, nous avons fêté son anniversaire durant l'ascension! En 2000 il faisait de la competition, il a été vice-champion de France universitaire, et 3e aux championnats d'Europe junior. Son niveau (8a) lui a tout juste permis de déjouer les obstacles de cette voie, qui s'est avérée plus dure que nous ne l'imaginions. Il faut dire que lui comme moi nous sommes davantage habitués à grimper sur les gratons des falaises calcaires françaises, que dans les fissures granitiques du Yosemite. Ce sont vraiment deux types d'escalade extrèmement différents. Et puis Thomas était lesté de 10 ou 15 kilos de friends (coinceurs pour l'assurance) et tirait deux cordes de 70 mètres, l'une pour moi, l'autre pour le sac. Car nous emmenions avec nous un sac de 40 kilos contenant nourriture, eau et sacs de couchage... l'escalade s'est vite transformée en épreuve de logistique, et nous avons essentiellement grimpé en artif sur friends, au-delà des premières longueurs.
Notre première tentative a été un échec: partis trop tard et pas assez rapides, nous sommes arrivés au premier bivouac en pleine nuit, à 23h, après 400 m de paroi. Evidemment nous nous sommes réveillés fatigués le lendemain, et nous avons constaté avec horreur que nous n'avions pas monté assez d'eau pour continuer encore 2 jours au minimum. Il faut compter un gallon d'eau par jour et par personne (soit près de 4 l), sachant qu'il peut faire très froid dans la paroi mais aussi très chaud! D'un commun accord, nous avons décidé de redescendre nous reposer dans la vallée et analyser les raisons de notre échec: état d'esprit pas assez positif et déterminé, sac mal rangé, départ trop tardif, lenteur dans les traversées, ...
48 heures plus tard, nous sommes repartis à l'assaut dés l'aube, beaucoup plus concentrés pour aller vite, avec une volonté de réussir nourrie par la philosophie toltèque de la parole impeccable (je venais de finir l'excellent livre "les quatre accords toltèques"). La parole impeccable, dans notre cas, cela signifiait regarder et dire les choses positivement, s'encourager mutuellement à réussir, plutôt que s'apitoyer sur les difficultés de la voie et l'inconfort des bivouacs.
L'ascension du Nose nous a pris 3 jours, pendant lesquels nous avons grimpé 41 heures, et bien peu dormi. Nous avons flirté avec nos limites physiques et mentales. Nous sommes arrivés en haut après 900 m de paroi verticale au bord de l'épuisement, mais heu-reux! Nous avions fait Le Nose, autant dire La Mecque pour les grimpeurs. Voici quelques photos de l'aventure.
Traversée difficile au-dessus de Sickle Ledge
Bivouac sur Dolt Tower lors de notre première tentative. De loin le meilleur bivouac de la paroi.
Dans la longueur qui précède le Grand Toit.
Vers Changing Corners ...