Les dispositifs JEI (Jeunes Entreprises Innovantes) et CIR (Crédit Impôt Recherche) sont bien connus pour favoriser l'emploi des chercheurs en France. Pour une entreprise de technologie, être reconnue JEI, c'est bénéficier pendant 8 ans d'une exonération des charges patronales, pour les salariés participant à la R&D (Recherche et Développement). Les charges patronales, cela représente rappelons-le la moitié du salaire brut. C'est particulièrement important pour les chercheurs et les développeurs, dont le salaire chargé représente un coût difficilement supportable pour une startup, c'est-à-dire une entreprise en démarrage, dont les revenus suffisent rarement à couvrir les dépenses les premières années.
L'Etat change les règles au milieu de la partie
Quand on dirige une entreprise, on planifie, on essaye de prévoir au plus près les coûts et d'estimer les recettes, afin d'assurer la pérénité de la société et le paiement des salaires. Quand on embauche, on tient compte des règles existantes, notamment en matière de charges. Je ne vous cache pas que le dispositif JEI nous a fortement encouragé ces dernières années à recruter des chercheurs et des développeurs de haut niveau chez Wikio, pour travailler sur les technologies d'analyse de l'information qui sont au coeur de notre métier.
Mais voila que tout d'un coup l'Etat décide de changer les règles.
La proposition de loi du PLF 2011 prévoit de réduire les mesures phares du statut, en introduisant les limitations suivantes:
- Plafond de rémunération mensuelle brute par personne, fixé à 4,5 fois le salaire minimum
- Plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 103 K€ pour 2010.
- Diminution progressive des exonérations au cours de la vie de l’entreprise en instaurant une dégressivité entre la 4ème et la 7ème année suivant la création de l’établissement.
Concrètement, pour une entreprise comme la nôtre, cela va alourdir très sensiblement nos charges, car nous ne sommes plus une micro-entreprise, mais une PME de 120 personnes. L'économie réalisée par l'Etat est ridicule à son échelle, on parle d'une cinquantaine de millions. Mais à notre échelle, cela ne va pas nous faciliter la vie. Nous n'allons heureusement pas devoir licencier une partie de nos développeurs, mais nous allons être plus prudents sur les embauches. Nous nous développerons peut-être moins vite.
C'est dommage que ce gouvernement, plutôt que de raboter les aides aux startups, ne choisisse pas plutôt de gaver un peu moins les grandes entreprises, qui sont les principales bénéficiaires du Crédit Impôt Recherche, et autres Grand Emprunt (allez voir l'usine à gaz décrite par Olivier Ezratty, mais comme on dit en langage énarchique, "tout est déja flèché", ce n'est pas pour les startups).
Dans la même inspiration, il est je crois question de réduire la réduction d'ISF consentie pour les investissements dans les PME, et notamment les startups. Dommage, vraiment, pour une fois que Sarkozy avait pris une bonne mesure.
--> communiqué de France Biotech
--> groupe facebook "sauvons les JEI"
--> Plus de réactions sur le rabotage du statut JEI
Post Scriptum: Je fais partie de ceux qui pensent que la société française se porterait mieux si les charges sociales et les impôts étaient moins élevés (et les salaires nets plus élevés). Mais la baisse des charges sociales en France, ce n'est pas pour demain comme vous vous en doutez.
Les dispositifs ciblés de réductions de charges sont donc des pis-aller, mais ils ont le mérite d'exister. Dans le cas du JEI il s'agit de favoriser le développement d'emplois et d'entreprises de haute technologie. Est-ce important ?